
Yelle : « Les punchlines de Booba te donnent de la confiance »
Au début du mois de février, nous avions rendez-vous à l’Hôtel Amour pour rencontrer Yelle. Le trio revient avec un nouvel album Safari Disco Club, une balade pop à la fois pétillante et intimiste.
Après une petite mésaventure dictaphonique, sauvés (que nous étions) par l’iPhone de Julie, la chanteuse du trio, c’est parti pour une petite demi-heure d’entretien, sans langue de bois.
Street Tease : Quel bilan tirez-vous depuis sur vos débuts et la fin de la tournée de Pop up ?
Grand Marnier : L'histoire a commencé sur Myspace avec un album l'année suivante. On avait déjà une tournée en cours à cette époque. On a joué en Scandinavie, aux USA, en Amérique latine, au Japon. Puis on a fait des allers-retours, ça a duré 3 ans. On a fait Coachella en 2008, ce qui nous a permis de faire une tournée très surprenante. Trois ans de surprises qui nous ont amené à avoir envie de nous poser. On a pris trois mois pour nous. Puis on a eu envie de réécrire des chansons en octobre 2009. Nous nous sommes retrouvés dans un gîte loin de tout en Bretagne, isolés. Pour donner l'impulsion à de nouvelles compositions. On avait emmagasiné des idées mais sans aller au bout.
Comment vous voyez votre album ? On le sent plus adulte que le précédent.
Le contexte n'est pas le même qu'il y a quatre ans. A l'époque, on travaillait tous le soir après le boulot. Pour Safari Disco Club, on a eu plus de temps pour y penser. Du coup, oui il y a un côté plus réfléchi qui donne peut-être plus de maturité. C'est également lié à un rythme de travail qui a changé.
Vous avez tous quitté vos jobs respectifs ?
Oui. Cela fait quatre ans maintenant que l'on fait uniquement de la musique. On a composé les chansons à trois. Pop up a été conçu par à-coups. Une manière sans doute plus adolescente de travailler. Le processus était différent même dans les moyens techniques.
Pour cet album, nous n'avons utilisé aucun sample. Pour les paroles, Julie en parlera mieux, mais elles sont moins scandées. C'est moins teenage. Elle avait envie de chanter plus. Approfondir le chant était important et naturel.
Comment aimeriez-vous que les auditeurs appréhendent votre album ?
Comme un dessous de plats ! (rires) On aimerait que les gens l'écoutent de manière attentive, au moins la première fois, parce qu'on y a mis beaucoup de détails dans la composition et dans les phases d'émotion. C'est un album très riche. Ce serait dommage de s'arrêter simplement sur quelque chose de rythmique, dansant ou fun. Il y a ce double axe entre une chanson à écouter dans le train avec les paysages qui défilent et l’autre, qui fait que tu peux danser dessus.
Pourquoi un safari ? Vous voyez cet album comme une promenade ?
Oui il y a de ça. Ça du sens même si on a trouvé le titre au dernier moment. On le trouvait graphiquement intéressant. On avait des images en tête tout de suite. Et c'est vrai que le terme évoque des ballades dans plusieurs chansons assez différentes les unes des autres. Dans notre album, ça évoque aussi la découverte en 4x4.
« Michael Youn nous a proposé un duo que l'on a d'abord refusé »
Quels en ont été les producteurs ?
Nous sommes trois : Tepr, moi-même, pour une grande partie et Siriusmo qui a fait trois prods que l'on a réarrangé par la suite. Pour l'écriture c'est un travail entre Julie et moi-même. En général j'écris une base qu'on développe en ping-pong puis on ajuste au niveau des mots et du son. Il y a un côté plus féminin apporté par Julie. Ce sont des idées individuelles que l'on met ensuite en commun. Les idées se développent autour d'un refrain, d'un truc que l'on a en tête...
Comment s'est fait le featuring avec Fatal Bazooka ?
Gros flashback : à l'époque on avait sorti Pop Up. Michael Youn avait entendu Je Veux te Voir sur notre Myspace et il avait beaucoup aimé. Il nous a proposé un duo sur un morceau que l'on a d'abord refusé. Après écoute du titre, on l'a finalement trouvé cool. Il s'avère que le morceau est devenu numéro un des singles pendant 6 semaines, avec le clip... C'est une collaboration très saine !
Ce succès nous a valu d'être connus pour un morceau qui n'est pas à nous. Cela a occulté un peu notre album, mais en même temps plein de gens nous ont découvert à ce moment là. C'est difficilement évaluable, mais c'était quelque chose d'utile pour nous. On ne regrette pas du tout ce choix, c'était fun.
Et la reprise d'A Cause des Garçons, la tecktonik… Quel bilan tirez-vous de ce pari un peu osé ?
Il y a des raccourcis inévitables sur notre travail, comme avec le remix de Tepr et le clip avec des danseurs de tecktonik. Les gens ont catalogué Yelle comme chanteuse de tecktonik. Il vaut mieux être connu pour des choses que l'on assume plutôt que pas connu tout court. Notre but c'est que les gens entendent un maximum notre musique. Mais en effet c'est à eux d'aller chercher l'album, de ne pas s'arrêter au duo avec Fatal Bazooka. Il y a une catégorisation en France. Ces libertés que l'on a prises comme ce featuring ou la sortie des deux maxis sur Kitsuné, c'est quelque chose qui nous représente complètement.
Le fait d'avoir beaucoup tourné à l'étranger avec succès, en chantant en français et de revenir sur une promotion d'album en France, cela constitue un challenge pour vous ?
C'est une façon de remettre les pendules à l'heure, mais sans animosité aucune. On serait vraiment heureux que les gens prennent l'album en passant outre certains à priori et cette zone de flou qui nous entoure parfois. Si cet album pouvait permettre aux Français de nous découvrir ou redécouvrir, ce serait cool. On a une tournée d'un mois en Angleterre, un mois et demi aux Etats-Unis, quarante-cinq concerts en trois mois, puis les festivals d'été... C'est assez fou.
Vous vous trouvez dans la situation inverse des artistes américains qui viennent faire leur promo en France...
Oui c'est quelque chose d'assez actuel avec des groupes français du type The D∅. Les gens se sont décomplexés en se disant que chanter en anglais pouvait aussi marcher en France. Sauf qu'après écoute de ces groupes français qui chantent en anglais tu te rends compte que ce n'est pas toujours une réussite. Nous on préfère être dans cette situation là, où l'on chante en français des choses qui nous plaisent et que l'on considère de qualité. Il y a quelque chose de très pudique chez les français. Quand tu leur parles dans leur langage de choses intimes, ils semblent choqués. Pour parler de Booba par exemple, ses punchlines hyper violentes, quand tu les chantes, ça implique des attitudes qui te donnent confiance en toi.
Entretien publié initialement le 14 mars 2011.
Auteur : Amandine
Photos : Mpy Was Here