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Schmitto : La Pire interview

Olivier Schmitt aka Schmitto pour les intimes est back dans les bacs avec un nouveau projet baptisé Pire. Un magazine en 20 épisodes diffusé sur le site du Mouv' à partir de décembre.
Rescapé des années Bizot, le gonzo journaliste a tourné la page radio Nova pour se consacrer non sans appétit à une web émission, dans les coulisses d'une rédaction complètement fucked up. Entretien fleuve en deux parties et sans langue de bois.

Schmitto, ça fait plaisir d'avoir des news. Alors Nova, c'est terminé ? Pourquoi ce transfert au Mouv' ?
Ben, Nova is dead. Le terme qui définit aujourd'hui le mieux la géniale radio qu'à été Nova, c'est "has been". Alors ok, c'est pas franchement un scoop pour beaucoup d'entre vous, mais pour moi qui a eu la chance de travailler chez ce qui ressemble désormais à la fin du Nova cool, curieux, et couillu de Bizot, ça a pris beaucoup de temps pour que je me fasse à l'idée que ce nova là était mort avec lui.

Comment expliques-tu ce changement radical ?
C'est une triste histoire de morts. Le premier gros nova trauma à été la mort de Marc-Alexandre Millanvoye, mon rédac chef alors âgé de 30 ans, le 31 décembre 2004. Il était le pivot de Nova, celui qui faisait cohabiter à l'antenne la génération des freaky boomers potes de Bizot et tous ces jeunes cools talentueux que vous retrouviez quelques années plus tard sur Canal+. Avec la mort de Bizot en 2007, alors que le poste de rédac chef était toujours vacant, la radio s'est retrouvé sans tête, sans vison, et sans les tunes de sa fortune perso garante depuis toujours de l'indépendance maison. Avec la mise en place du grand mix et sa logique de rotations, de case horaire, Nova est devenue une espèce de radio « Nostalvia ». Les principaux styles de musique black à papa sont bien représentés, mais quasi rien de tous les nouveaux styles excitants apparus depuis début 2000 et qui auraient du dédefinir la sono mondiale - un concept cher a Bizot - la ghetto music us, le baile funk brésilien, le kwaito sud africain, le kuduro...

Pourquoi selon toi, la radio n'est-elle pas montée dans la bon wagon ?
La nouvelle direction de Nova a voulu donc chambouler l'ADN de la radio - comme disent les fashion victime du langage -, c'est à dire mettre de l'ordre dans le joyeux bordel maison pour en faire un format facile à identifier pour les annonceurs et les néo auditeurs. Difficile dans ces conditions de rester nova(teur).

Que reste-t-il de l'esprit Nova des dés débuts ?
Après avoir formaté la musique, réduire le temps de parole fut l'autre grand chantier du nouveau Nova. La recette est connue : limiter au maximum les directs, et se débarrasser des trop fortes personnalités. Les plus dociles sont restés. Les premiers à partir furent les fameux "branchés". La rédaction et ses journalistes/animateurs ont été totalement infantilisé par la direction. Depuis le départ d'Aline Afanoukoé en 2008, il ne reste désormais que les vieux géniaux - RKK, Jean Rousseau, Bintou Simporé - et des anomalies dans la grille du week-end, comme le pudding d'Ererra et Jean Croc. Pour le reste, même le superbe habillage d'antenne a été salopé. L'ambiance maison est aujourd'hui aussi funky que dans une boutique SFR.

Fermons la parenthèse Nova, Parlons de ta nouvelle émission. Comment est né le magazine Pire ?
Depuis trop longtemps je luttais pour avoir accès au micro. A la fin de la saison dernière, au moment du fameux mercato, je n'ai même pas eu de réponse à ma proposition de programme radio baptisé Pire. Je n'avais même pas osé l'imaginer en format web. Je l'avais présenté comme suit : « Pire est une fiction radio dans laquelle je traite de vrais sujets d'actualité à travers les postures et les discours typiques des membres d'une rédaction. L'idée est d'être drôle pour fidéliser l'auditeur et l'intéresser un maximum au contenu ; une sélection du meilleur de la mediasphère et des internets. »

Comment ce programme s'est-il retrouvé sur le site du Mouv' ?
Alors que je ne m'étais jamais résolu à quitter Nova - ne sachant pas par quelle autre radio la remplacer - courant juillet, j'ai eu la chance de rencontrer le directeur du Mouv' Patrice Blanc-Francard (frère de Dominique et oncle de Boombass NDLR). Il se retrouve avec mon projet en mains et flash dessus. « Ton Pire, c'est le Ab Fab du journalisme » m'a t-il dit. Banco ! Je reste super frustré de n'avoir quasiment jamais travaillé avec Bizot quand je suis arrivé chez Nova. Du coup, c'est d'autant plus gratifiant de travailler avec un aîné de le trempe de Patrice Blanc-Francard. Ils sont rares les mecs de ce level.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur le fond et la forme ?
J'écris, je tourne, et je monte avec la schmitto team : à savoir me, myself and I. Pire est une web série auto produite. J'ai signé pour 20 épisodes avec le Mouv'. Chaque épisode dure entre 3 et 4 mn, j'en suis le narrateur omniscient et je raconte face caméra la vie de la rédaction. J'utilise ce cadre fictionnel pour introduire et mettre en scène de vrais sujets construits autour de vidéos sélectionnées sur le net.
Pire, c'est donc avant tout une sélection. Pour faire référence à mes premières années nova et un clein d'œil à Bizot, Pire propose les bons plans du net : les cooking show, la mode 2.0, les séries et le fan art qu'elles génèrent, les top & shit lists de fin d'année, le rap gay friendly... Au delà de ces thèmes, je suis totalement fasciné par la post pop culture de l'underweb : gif, image macro, photoshop shits. Passé les lol cats, la partie la plus visible du bordel, cette culture est en train de tout bouleverser. Par exemple, la mode et ses séries, comme je l'explique ds l'episode 1 de Pire. Mais ce sera aussi bientôt le cas pour le dessin de presse, voir l'édito politique : les critiques les plus efficaces de la campagne présidentielle US étaient des gif animés. Quand il est question du web, les gros medias passent leur temps a se branler sur Twitter, sans grand intérêt, au lieu de faire découvrir les sites et techniques réellement novatrices. C'est donc ça mon Pire job, et c'est raccord avec la définition du journalisme à laquelle j'adhère depuis mes débuts : être curieux de tout et savoir mettre en forme ses découvertes pour les partager.

Tu arrives à un âge canonique pour un journaliste. A quoi penses-tu quand tu regardes dans le rétro ?
Lorsque j'ai effectué mon premier stage photocopie chez Globe Hebdo, j'avais 18 piges. 20 ans après, j'ai trainé ma plume dans tous les médias branchés de Nova, à Technikart, en passant par Vice et j'ai toujours été sidéré par le règne de l'incompétence. Tellement de gars n'ayant pas le niveau de leurs jobs appauvrissent le game maison et le travail de leurs collègues compétents. Un constat d'autant plus cash, que dès mes débuts, j'allais en rave et faisais du skate et on m'a collé une étiquette à la con de spécialiste « musique électronique & cultures urbaines ».

Tu dresses un constat plutôt amer...
Cet étiquetage est typique du monde des médias. Etre identifié comme spécialiste, c'est d'un côté le kiff, parce que synonyme d'une grande liberté car le plus souvent, ton rédac chef capte keudal à ce que tu racontes. Le bad, c'est que tu n'(apprends pas grand chose de ce même rédac chef. L'idée de PIRE est née de cette longue expérience. D'où le nom des personnages principaux : Pige keudal, le gros con de requin de rédac chef digital-tardif perdu sans le stagiaire digital-natif, Mega Bite, le geek asiatique porno addict... Au final, seul le stagiaire est compétent, une réalité très souvent observée.

Pourquoi le pire magazine ? Il y en a déjà plein en kiosques, non ?
C'est clair qu'il y'a de quoi faire en kiosque dans le domaine du pire, rien que les 4 lettres de mon titre en proposent une putain de selection. C'est l'histoire de ce ghetto logo fait en 5mn sur photoshop : le P de Playboy, le I de Marie-Claire, le R de Wired, et le E de Elle. Une cohabitation hautement improbable, et une rencontre entre le meilleur et le pire de la presse contemporaine.

Quel est ton mag préféré ?
Contrairement à Nova, je n'ai toujours pas fait le deuil de The Face, disparu en 2004, ce mag me manque ! Je suis un press junkie depuis tout kid. Dès le lycée, je fonçais chez WH Smith pour dévorer les The Face, ID, Dazed & Confused... C'était une source de fraîcheur visuelle équivalente à Tumblr aujourd'hui.

Et celui dans lequel tu aurais aimé bosser ?
Le graal, c'est le Rolling Stone des années 70 : le new journalisme et les longues histoires généralement à la première personne de Hunter S. Thompson, Lester Bangs, Glover Lewis, Michael Herr, Tom Wolfe... Concernant Nova, mon plus gros regret, c'est Actuel.

Quel est selon toi le pire magazine ?
J'ai un dégoût profond pour toute la presse people et féminine, ça ne me fait pas du tout marrer, même avec une lecture au 12ème degré. Ces titres et leurs journalistes formatent aussi bien les looks, les pensées, que le langage et les corps des plus jeunes. C'est pour ça que j'ai campé l'attachée de presse de PIRE comme étant une fille très branchée people. Du coup, elle a lu dans Technikart que l'homophobe hip-hop est de plus en plus gay friendly, c'est l'accroche de l'épisode 4 de PIRE.

Si tu devais citer un mag en particulier ?
Je suis super déçu par VICE, particulièrement sa version française, proposant une vilaine traduction de la VO ; une version ricaine qui elle tourne méchamment en rond, et s'est totalement vendu a ses annonceurs sur le net. En revanche, la très bonne surprise, et elle est française, oui madame, c'est Amusement, un trimestriel sur la culture digitale.

Auteur : @FrancoisChe

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